Mercredi dernier, après un essai manqué la veille, je me suis rendue au Musée National du Moyen Âge pour assister à une visite-conférence sur le thème du costume au Moyen Âge. Le sujet n’ayant pas déplacé les foules, nous nous sommes retrouvés à 5 (3 mamies, 1 étudiante et moi) avec la conférencière. A partir de là, en avant la musique ou plutôt départ du Marathon.
Oui, le marathon car notre chère guide était survoltée et a arpenté le musée dans tous les sens au pas de course. Alors autant l’étudiante et moi n’avons pas eu de mal à suivre, autant les 3 mamies… Enfin bref, je vous livre ici les notes que j’ai prises pendant ma folle galopade.
Se vêtir au Moyen Âge
Avant toute chose, il faut bien prendre en compte qu’il existe de très nombreuses différences entre la réalité historique et les représentations. Le Musée du Moyen Âge n’a pas la chance de posséder de costumes ou de vêtements d’époque. Pour cette raison, nous nous baserons uniquement sur des œuvres présentent dans le musée, ce qui nous demanderas donc un effort d’analyse supplémentaire pour faire la différence entre la réalité et la représentation artistique
Axe premier : Evolution historique
Mérovingiens et Carolingiens

Le sujet est vêtu d’une chemise par-dessus laquelle se trouve une autre chemise plus ample et fendue pour faciliter les mouvements. En bas, il porte des chausses sur lesquelles sont superposées des jambières tenues par des jarretières consistant en un simple lien noué. Le tout est complété par une paire de chaussure large (mufle de bœuf, ou pate d’ours). Les chausses et les chemises sont maintenues par une ceinture brodée. Il porte en plus un manteau orné de franges détaillées et une coiffe composée d’un capuchon et d’un chapeau de paille (étrange alliance des couffes d’hiver et d’été)
La chose la plus intéressante est que cette représentation daté du XVè siècle nous montre avec beaucoup de détails le costume de la fin du règne mérovingien et du règne carolingien, soit un costume qui date d’environ six siècles avant la confection de la statuette.
Pourtant, même si cette statuette est représentative, certains détails montrent la volonté du sculpteur de mêler les classes sociales. Ainsi, même si un berger devait effectivement porter un long manteau, il y a fort de peu de chances que ces manteaux aient été ornés de franges ajourées, ce genre de décorations ostentatoires étant réservées à la bourgeoisie et à la noblesse. En réalité, la tenue étant unifiée, les seules différences étant la longueur des manteaux et des accessoires luxueux (fibules, épingles, plaques de ceinture, etc.)Mais la plus grande différence entre les classes pouvait s’observer sur deux points cruciaux : les tissus et les couleurs.
En effet, selon le statut social les moyens différaient. Ainsi, les paysans avaient plutôt tendance à se vêtir de fibres peu couteuses comme le chanvre, alors que les bourgeois et les nobles préféraient la laine. Au niveau des couleurs, la différence se faisait par le niveau de qualité de la teinture. Les bourgeois et les nobles utilisaient des tissus grand-teint, c'est-à-dire des tissus aux couleurs denses obtenues grâce à l’utilisation de produits chers comme l’alun. Les personnes pauvres elles devaient se contenter de couleurs plus fades obtenue par de la teinture à l’eau. Quand aux couleurs à la mode, elles ont évolué en fonction de la difficulté à fabriquer la teinture : d’abord le rouge, puis le bleu et pour finir le noir.
L’influence des croisades (1100 – 1300)

Tous les personnages, aussi bien féminins que masculins, sont vêtus de la même manière : c’est la mode de ce que nous appelons aujourd’hui le « bliaud ». Cette tenue est un réalité une très longue robe qui couvre les pieds, dont les manches à plis sont resserrées au poignet et dont la taille est maintenue par une ceinture. A cela s’ajoute un grand manteau, en réalité un immense rectangle de tissu, maintenu par une bride, une broche ou un autre bijou du même type. Cette tenue aurait été influencée par celle des orientaux que découvrirent les croisés en arrivant à Jérusalem.
Mais plus qu’une nouvelle mode, c’est un nouvel ordre qui se met en place : les différences de classes sont recrées avec une distinction par la forme du vêtement, car le bliaud est l’apanage de la bourgeoisie et de la noblesse. Nouvel ordre des choses qui déplait fortement à l’église : elle entraîne la confusion des sexes et aussi un gaspillage d’étoffe qui sont insupportables pour les religieux, et donc très critiqués.
A la même époque, le tissu prend une très grande importance avec le développement aux XIIe et XIIIe siècles des draperies des Flandres. C’est à cette époque qu’apparaît le scarlatum, un tissu très haut de gamme dont le nom est à l’origine du mot écarlate, passant de la définition de la qualité à celle de la couleur.
1330 – 1350 : Un arrêt brutal
Les exemples sont ici un Traité de combat dans la tradition de Johann Lichtenauer relié entre 1490 et 1500 à Augsburg ;

et une cheminée au manteau sculpté de trois couples représentants des personnages à trois âges différents de la vie.
A cette époque, la Guerre est très présente dans la société, et quand il n’y a pas de guerre les chevaliers participent à des tournois et des joutes. Les chevaliers portent des côtes de mailles et doivent protéger leur corps avec des vêtements matelassés très ajusté que l’on appelle des pourpoints. La légende voudrait que lors d’un tournoi deux chevaliers sortirent de leur tente en habits de protection (leur sous vêtements de l’époque) et lancèrent une nouvelle mode. Bien que choquant les populations au départ la mode va finir par prendre vers 1350 et ce pendant environ un siècle. Cette mode du court et du collant, symbole d’une révolte de la jeunesse, va petit à petit se propager à la gente féminine, bien que gardant un minimum de décence.
A cette époque la robe, le bliaud, devient le vêtement symbole du sérieux. Par exemple, Saint Jean l’évangéliste est représenté en intellectuel, vêtu d’une longue robe ceinturée, avec un étui à calame et un grimoire. La robe devient le vêtement des professeurs d’université, des juristes, des religieux : tous prennent ou reprennent la robe comme vêtement de fonction pour montrer le sérieux de leur profession. D’ailleurs au cours de l’histoire, les personnes haut placées vont toujours utiliser un vêtement d’une mode dépassée comme symbole de sérieux et de pouvoir.
La tenue devient donc réellement un symbole de classe, comme le montre la cheminée. Sur la cheminée, on peut observer les trois âges de la vie, ainsi que les tenues qui y sont associées.
A droite, le couple de jeunes gens les montrent à la mode des années 1390. Pour l’homme, des chausses collantes et pointues, un pourpoint long aux manches démesurées ceinturé aux hanches et une coiffe rehaussée. Pour la femme une robe au bustier ajusté, mais ayant déjà retrouvé de la longueur après les débuts de la mode du court, et avec de très amples manches. Ce couple est sans aucun doute possible une couple d’aristocrates.
A gauche, ce sont des gens adultes qui sont montrés. L’homme porte une tenue similaire à celui du jeune aristocratique, mais avec la ceinture bien placée qui retient sa bourse, donc beaucoup moins à la mode. La femme quand à elle porte une robe à bustier collant et à longues manches mais moins amples que celle de la jeune fille. Ce couple représente la mode des bourgeois
Enfin au centre, une couple de personnes âgées. L’homme est le portrait craché du paysan de la première sculpture, celle du berger. Quand à la femme, elle porte une robe longue dont la seule touche de mode est le léger pointu des manches. Ces personnes représentent la classe la plus basse de la société, les paysans.
Axe Second : De l’utilisation du vêtement dans les œuvres d’art.
Panneau peint : légende de saint Géry ; La délivrance des prisonniers vers 1470

Ce tableau représente quatre personnages types : le juge, le geôlier, les prisonniers et le Christ qui sont parfaitement identifiables à leur tenue.
Les prisonniers portent des chausses collantes, des vêtements courts, un pourpoint étoffé en haut des bras et un callot (la coiffure que tout homme porte jour et nuit). Le tout dans des tons de rouge et de vert, des couleurs considérées comme vives de nos jours, mais qui étaient les couleurs les plus fades possibles au Moyen Âge. UN seul prisonnier est vêtu entièrement en rouge : on peut supposer que ce personnage est un juif car cette dans certaines régions les juifs étaient obligés de se vêtir en rouge. Cette idée est en plus renforcée par la présence d’un chapeau pointu à large bord, symbole de reconnaissance des juifs entre eux (jusqu’à ce qu’on les oblige à en porter un, période ou ils abandonnèrent le chapeau)
Le Christ se trouve juste derrière les prisonniers, vêtu d’une longue robe bleu, pieds nus, auréolé et portant le Saint Esprit sur son épaule. La robe est ici caractéristique du pouvoir de Jesus Christ, présent sur la toile en écho à une de ses déclarations comme quoi le bien fait aux hommes et aussi fait à lui-même. (Je ne connais pas suffisamment la bible pour vous donner la citation exacte…)
Le geôlier porte une tenue très chère car de couleur sombre et noire. Son pourpoint est mi-long, doublé de fourrure et il porte une aumônière à la ceinture. Son chaperon est enroulé autour de son coup. Sa tenue est chère mais n’est pas pour autant à la pointe de la mode, ce qui montre qu’il n’est pas pour autant un personnage extrêmement puissant.
Le juge, pour finir, porte un long manteau noir drapé avec des crevées aux manches, le tout doublé de fourrure, assimilable à une robe et donc montrant le sérieux de sa position. Sa coiffe est un bonnet pointu en feutre à la toute dernière mode. Il est donc riche et puissant..
Tableau : étude pour une chapelle de Notre Dame de Paris


Le père est en armure de chevalier et en tabard, c'est-à-dire qu’il affiche ses armoiries. Cette tenue, qui n’est pas portée tout les jours, est utilisée comme marque de prestige, pour montrer l’ascension de la famille dans la société.
La mère quand à elle est en habit de veuve, donc vêtue de noir et blanc, la tête et la gorge couverte. Cette tenue s’explique par le fait que le portrait du père est posthume, réalisé quelques années après sa mort.
Cinq de ses sept fils sont eux aussi en habits de chevalier, faisant honneur à leur père et à leur famille. L’un des fils est d’ailleurs mis en avant, montré avec une bible, ce qui indique qu’il est certainement le commanditaire du tableau.
Les deux autres fils sont vêtus du costume liturgique, chacun aillant une place importante dans la hiérarchie religieuse, l’un étant évêque et l’autre Abbé de Reims. Les costumes liturgiques ont d’ailleurs été mis en accusation par le Pape à cette époque. En effet, les religieux souhaitant suivre la mode raccourcissait de plus en plus leurs tenues. Cette tendance était fort peu appréciée à Rome ce qui leur valu une lettre de remontrance du Pape en personne.
Deux filles sont en habits d’épouses, certainement mariées à des hommes riches et puissants. Cela s’exprime par leurs robes richement décorées, leurs bijoux ostentatoires, leurs coiffes relevées et surtout leur gorge non dissimulée.
Une fille est comme sa mère en habit de deuil, soit car étant encore célibataire, soit car aillant perdu elle aussi son époux.
La dernière fille est en habit de religieuse, une tenue très proche de celle de deuil, en noir et banc, gorge dissimulée. En effet, si aujourd’hui dans certaines religions ce sont les cheveux qui sont le centre de la féminité et qui doivent être cachés, au Moyen Âge toute femme avait les cheveux dissimulée sous une coiffe. Ce fut donc la gorge qui devint le symbole de a sensualité, d’ailleurs le geste le plus important de l’amour courtois était de soulever délicatement le menton de sa mie avec le dos de sa main. Donc cacher sa gorge signifiait cacher sa féminité et sa sensualité.
Voilà pour cette petite conférence. Si vous souhaitez approfondir le sujet, la conférencière nous a conseillé deux livres (hélas difficiles à trouver) dont je vous livre les titres.
Se vêtir au Moyen Âge, de Françoise Piponnier aux éditions Adam Biro
Parades et Parures – L’invention du Corps de Mode à la fin de Moyen Âge, d’Odile Blanc chez Gallimard
Voilà. Les photos sont arrivées ^^
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